Jean-Marc Bellefleur – Pandémie et précarité
PHARE FM : Bonjour Jean-Marc. Aujourd’hui, nous parlons de la pandémie sous un angle peu habituel.
Jean-Marc : Oui, je voudrais aborder ce sujet sous l’angle de l’action sociale. Si vous voulez bien, jetons un coup d’œil sur ce qui s’est passé dans les hébergements d’urgence pendant les confinements.
Vous aurez compris que par nature les hébergements hivernaux ferment leurs portes au printemps. Eh bien en raison des différents confinements, de nombreux hébergements sont restés ouverts pendant l’année entière. Même cause et même phénomène pour les abris de nuit, qui sont restés ouverts pendant la journée au lieu de fermer chaque matin. Cela a représenté un gros effort financier de la part de l’État, et beaucoup de travail pour les associations. Il faut reconnaître ces efforts à leur juste valeur, qui a été utile aux personnes en grande précarité.
Cela ne veut quand même pas dire que cela a été facile pour ces personnes, d’ailleurs. Rester confiné dans un hébergement d’urgence, je ne le souhaite à personne. Et les personnes qui font face à la précarité n’ont pas forcément un stock de masques ou de gel pour les mains.
Ah oui, aussi… On a bien fait de remercier le personnel soignant et il faut continuer. Mais les travailleurs sociaux sont restés pas mal dans l’ombre, alors qu’eux aussi allaient au contact de la population, avaient des horaires alourdis et des conditions de travail compliquées. Ils ont dû faire face à de nouvelles situations d’isolement, à de nouvelles précarités.
PHARE FM : Et la demande d’asile a-t-elle été impactée par la pandémie ?
Jean-Marc : Amnesty International a sorti son rapport 2020 ce mois-ci, avec une attention particulière sur les effets de la pandémie sur les droits humains. La pandémie a accentué les inégalités et a affecté les populations vulnérables plus que d’autres. Des dirigeants, au comble du cynisme, l’ont instrumentalisée pour asseoir leur pouvoir, en empêchant l’information de circuler et en augmentant la répression sous prétexte de lutte contre la Covid19.
Mais paradoxalement, les populations opprimées n’ont pas pu fuir leur pays, puisque bon nombre de frontières étaient fermées en raison des consignes sanitaires. L’exercice du droit d’asile a donc été largement impacté. On le voit en France, qui est une terre d’asile : les chiffres des arrivées ont chuté pendant la pandémie. D’ailleurs, “la majorité des guichets d’accueil des demandeurs d’asile ont suspendu leur activité” (journal de la Fédération des acteurs de la Solidarité, hiver 21).
PHARE FM : Et plus généralement, qu’avez-vous observé pendant les confinements ?
Jean-Marc : Les chiffres de la violence domestique sont montés en flèche (un tiers en plus pendant le confinement). Et puis il faut citer les travailleurs précaires, dont font partie de nombreux étudiants, qui ont perdu leur maigre source de revenu.
Mais ce que la Fédération des acteurs de la solidarité exprime aussi, c’est que les travailleurs sociaux ont repris confiance dans leur capacité d’innovation. Ils ont dû adapter les consignes sanitaires, inventer de nouvelles formes d’action, faire œuvre de pédagogie, s’organiser de manière différente…
Les professionnels de l’action sociale ont montré leur motivation, leur valeur, leur engagement pendant ces confinements. Alors bien sûr, nous espérons tous que la pandémie va cesser. Mais espérons aussi que ces innovations continueront de faire du bien à notre société.