L’invité du jour — Erwan Cloarec : comprendre et prévenir les dérives sectaires

Parler de « secte » ou de « dérive sectaire » peut susciter confusion et inquiétude. Selon la MIVILUDES, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, « Le mot « secte » n’a pas de définition juridique en droit français. Il s’agit d’un terme sociologique ou commun. » Explication et profil des personnes vulnérables aux dérives sectaires avec Erwan Cloarec, président du CNEF, Conseil national des évangéliques de France.
Je pense qu’il est sage que l’État évite de désigner ce qui relèverait des bonnes ou mauvaises croyances. Parler de dérives sectaires plutôt que de qualifier définitivement un groupe de secte est une approche prudente. C’est pourquoi je privilégie ce terme et je soutiens une vigilance partagée avec l’État sur ces dérives potentielles.
La MIVILUDES a identifié plusieurs critères qui sont des faisceaux d’indices et permettent d’évaluer si un groupe est préoccupant et mérite vigilance. On parle de déstabilisation mentale, d’exigences financières particulièrement exorbitantes et peu libres. On essaie également d’observer le comportement des personnes sous emprise avec leur environnement d’origine, les pratiques portant atteinte à l’intégrité des personnes et la pratique d’un discours antisocial visant à rompre avec la société, perçue comme mauvaise.
Certaines personnes deviennent particulièrement vulnérables face aux dérives sectaires en raison de ruptures familiales, professionnelles ou d’instabilités, parfois liées à l’enfance. Cependant, il est juste de dire que chacun peut, à un moment donné de sa vie, se retrouver en prise avec ce type de groupe. Je crains que personne ne soit à l’abri.
Les dérives sectaires peuvent survenir partout où il y a un déséquilibre d’autorité, d’influence ou de confiance. Depuis 2021, la notion d’emprise mentale est intégrée dans le droit français, offrant une réponse juridique adaptée, tandis que les institutions religieuses jouent un rôle essentiel dans la prévention de ces dérives.
La posture à tenir face à une victime d’emprise doit être fine : si l’on intervient trop frontalement, on risque de renforcer et de confirmer le discours qu’elle entend selon lequel l’entourage est hostile. Il faut donc être très délicat et maintenir la relation. Parallèlement, en cas de pratiques illégales avérées (abus sexuels, escroqueries financières manifestes…), il est possible de saisir la justice ou de signaler les faits à la MIVILUDES.
Sur ces sujets sensibles, j’invite à la prudence. Dans une société démocratique et pluraliste, il faut rappeler notre engagement commun, croyants comme non-croyants, au respect du cadre républicain de la laïcité et de la liberté de conscience, en s’attachant aux faits répréhensibles plutôt qu’à des étiquettes posées sur tel ou tel groupe.
Nos églises protestantes évangéliques doivent résolument œuvrer à faire de leurs lieux de culte et de vie des espaces sûrs, sains, où les bonnes pratiques sont encouragées. On doit encourager le fait que l’Évangile que nous portons soit un évangile de liberté. L’engagement, qu’il soit financier ou en temps, doit venir du cœur, comme fruit de la générosité, et non d’impositions, de pressions ou d’injonctions de la part des responsables.