Grain de sel ou grain de poivre du 29 mai 2020 – Michael Mutzner – Églises évangéliques en Irak

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Grain de sel/poivre ?
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Grain de sel ou grain de poivre du 29 mai 2020 - Michael Mutzner - Églises évangéliques en Irak
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PHARE FM : L’Alliance évangélique mondiale a soumis récemment un rapport au Comité des droits de l’Homme de l’ONU, au sujet des Eglises évangéliques en Irak, Michael Mutzner…

CHRONIQUEUR : Oui tout à fait Nathanaël. La demande de l’Alliance évangélique mondiale dans ce rapport, c’est tout simplement que les  Eglises évangéliques en Irak puissent obtenir une reconnaissance officielle de l’Etat. Contrairement aux autres minorités religieuses, les évangéliques ne sont en effet toujours pas autorisées à créer des associations religieuses dans ce pays, qui se dit pourtant respectueux des droits de l’Homme et de la liberté religieuse.

PHARE FM : Quelles sont les conséquences de cette absence de reconnaissance officielle?

CHRONIQUEUR : Le fait de ne pas exister en tant qu’association reconnue empêche ces églises de se constituer en association, d’avoir une existence légale et donc par exemple, de pouvoir louer ou acquérir un lieu approprié pour leurs activités. Par conséquent ces églises doivent se réunir dans des propriétés ou des bâtiments acheté ou loués au nom de personnes privées. Cette situation les rend aussi plus vulnérables, leurs droits ne sont pas clairement établis.

PHARE FM : Est-ce une situation spécifique à l’Irak, ou trouve-t-on des cas similaire dans d’autres pays?

CHRONIQUEUR : Non, on trouve des situations similaires dans d’autres pays. A Cuba par exemple, les évangéliques ont voulu former une association faîtière l’année passée en créant l’Alliance des Eglises évangéliques à Cuba. Mais le gouvernement a refusé de reconnaître cette entité et a mis la pression sur ses leaders, en leur imposant une interdiction de sortie du territoire. En Algérie, les communautés membres de l’Eglise protestante d’Algérie se situent dans une zone grise en terme de reconnaissance étatique et le gouvernement s’en sert pour leur mettre la pression, voir pour fermer les Eglises. En Palestine en revanche, le gouvernement a reconnu les Eglises évangéliques en novembre dernier, après des années de dialogue et de revendications.

PHARE FM : Comment expliquer que certains Etats n’accordent pas cette reconnaissance aux Eglises ?

CHRONIQUEUR : C’est souvent une façon de garder le contrôle et le pouvoir pour des gouvernements qui fondent leur autorité sur la répression des libertés individuelles. En ce qui concerne les communautés religieuses, les Etats peuvent les réprimer de trois manières:

Tout d’abord, en leur refusant toute existence légale, elles forcent des communautés religieuses à se réunir de manière totalement sous-terraine et cachée.

Deuxièmement, elles peuvent les maintenir dans une zone grise au niveau légal. Les communautés religieuses ne sont pas interdites, sans être explicitement autorisées. Elles sont donc tolérées dans la pratique, à condition de rester discrètes, mais elles ne peuvent pas faire valoir le “droit” d’exister pleinement en tant qu’association. Elles restent vulnérables et tributaires du bon vouloir des autorités en place.

Troisièmement, une autre manière pour l’Etat d’exercer un contrôle répressif, c’est de reconnaître les communautés religieuses, à condition que ces Eglises renoncent à tout discours critique. Souvent, il est même attendu qu’elles adoptent un discours pro-gouvernement.

PHARE FM : Et pourquoi certains Etats se méfient-ils des communautés religieuses et estiment devoir les contrôler de manière aussi stricte…?

CHRONIQUEUR : Pour revenir à l’Irak, c’est un cas un peu particulier: ce sont les autres communautés chrétiennes, qui ne veulent pas que les évangéliques soient reconnus par l’Etat. Le gouvernement reste passif et ne veut pas s’ingérer dans cette discrimination, au lieu d’assumer ses responsabilités. Dans les autres cas de figure, il s’agit d’Etats qui imposent leur autorité en réprimant les libertés de leurs citoyens. Les Eglises sont alors des victimes collatérales, car elles sont perçues comme un mouvement qui pourrait mobiliser la société civile contre les  injustices commises par le gouvernement. Mais finalement, cette répression étatique, ce n’est pas un signe de force, mais au contraire, c’est un signe de faiblesse. Un Etat qui doit imposer son autorité et qui n’a pas le soutien de sa population est un Etat qui manque de légitimité. En revanche, un Etat qui fait du bon travail est un Etat dans lequel la population, et spécialement aussi les groupes minoritaires, se sentent respectés et accueillis.