Grain de Sel ou Grain de Poivre ? du 02 mars 2020 – Philippe Malidor – Nouveau scandale
Trahison
Un nouveau scandale a éclaté dans l’Église : un an après sa mort, on apprend que Jean Vanier, le fondateur des communautés de l’Arche, a abusé sexuellement d’au moins six femmes. Pourtant, on lui « aurait donné le bon Dieu sans confession »…
PHARE FM : Décidément, on n’en finit plus avec les scandales en ce moment !
Chroniqueur : Oui, il y a eu l’affaire Matzneff, ce distingué écrivain amateur de chair trop fraîche. Ensuite, il y a eu l’affaire Griveaux, ce politicien qui prêche la morale familiale aux autres pour se faire élire à Paris et qui filme son intimité à destination d’une femme qui n’est pas la sienne. Et maintenant, on apprend que le bon et doux Jean Vanier, qui a passé une grosse partie de sa vie à s’occuper d’enfants déficients mentaux, et qui est mort l’an dernier, a abusé sexuellement d’au moins six femmes, certaines étant mariées, en exerçant sur elles une emprise spirituelle à coups de Jésus et de Marie. Son mentor, le dominicain Thomas Philippe, avait déjà été condamné dans les années 50 par l’Église pour des abus similaires. Non seulement il s’avère que Vanier, contrairement à ce qu’il avait affirmé, était parfaitement au courant de ces scandales, mais c’est lui qui avait fait venir ce dominicain corrompu à Trosly-Breuil pour co-fonder les communautés de l’Arche, ce qui revenait à le réhabiliter. Le seul élément rassurant, c’est qu’apparemment Vanier n’aurait pas touché à des personnes handicapées.
PHARE FM : Pourtant, Jean Vanier a fait énormément de bien aux enfants déficients mentaux.
Chroniqueur : Oui, c’est une réalité, et c’est bien ce qui rendait ce personnage admirable. Mais là où l’affaire est d’une gravité plus grande que le scandale Matzneff, c’est que Matzneff ne prêche pas l’Évangile (même s’il s’intéresse à la mystique orthodoxe) ; c’est aussi d’une gravité plus grande que le scandale Griveaux qui, finalement, n’a rien de surprenant. Mais qu’un homme mondialement honoré comme porteur de l’Évangile de Jésus-Christ ait, pendant environ quarante ans, détourné la Parole de Dieu qu’il prêchait en paroles et en actes pour asservir sexuellement des femmes, c’est révoltant ! Et il faut saluer le courage de l’Arche qui, suite à des témoignages, a fait effectuer une enquête solide par des experts du Royaume-Uni, et qui ne minimise pas les faits.
PHARE FM : Il y a une expression qui pourrait s’appliquer à Jean Vanier : « on lui aurait donné le bon Dieu sans confession ».
Chroniqueur : Oui, mais sa confession, elle n’est jamais venue, ce qui le distingue, par exemple, d’un personnage biblique comme le roi David qui s’est ouvertement repenti d’avoir volé la femme de son voisin, entre autres crimes. Or, aujourd’hui, dans l’Église, toutes chapelles confondues, certains cultivent l’art de la dissimulation. Il y a aujourd’hui des curés et des pasteur/e/s qui prêchent l’Évangile en menant une vie gravement entachée de mensonge !
PHARE FM : Certains diront qu’il vaut mieux rester discret pour ne pas salir cette même Église, et que votre chronique est malvenue.
Chroniqueur : Ça, ce serait un raisonnement à la Barbarin : on se tait pour protéger l’Institution. Eh bien ce n’est pas acceptable. Et nos auditeurs qui nous entendent parler de la Bible, est-ce qu’ils ne vont pas nous dire : « Où est ton Dieu ? » (Ps 42) De quel droit tu viens nous parler de ton Évangile si tu ne vaux pas plus cher que nous, et si tu es peut-être pire que nous ? Eh bien, je le dis à nos auditeurs : vous avez raison ! Et c’est pourquoi toute personne qui parle de Jésus-Christ doit avoir une vie qui ne soit pas un sujet de honte ou de scandale. On ne peut pas prêcher ce qu’on ne vit pas soi-même ! Jean Vanier nous a trahis. Un dérapage, ça peut arriver ; mais ça, c’est une pratique de longue durée ; eh bien, ça ne passe pas ! Il y a du ménage à faire dans nos Églises. Figurez-vous que c’est Camus, l’incroyant, qui a émis une parole que je voudrais vous laisser en conclusion ; il l’adressait à quelqu’un qui critiquait injustement les catholiques : « on ne doit pas juger d’une doctrine par ses sous-produits, mais par ses sommets. » Autrement dit, regardez Jésus : le sommet, le modèle, c’est lui. Et lui seul.