Grain de Sel ou Grain de Poivre ? 24 février 2020 – Ludvine Schmitz – Procès Wikileaks
Julian Assange, le wiki-messie
Chroniqueuse : Aujourd’hui nous reparlons du fondateur de la plateforme Wikileaks, Julian Assange, dont le procès s’ouvre ce 24 février à Londres, et nous présentons l’un de ses avocats, le français Juan Branco, auteur du livre Assange, l’antisouverain.
PHARE FM : Nous avions diffusé votre première chronique sur Assange le 11 avril 2019. Hasard du calendrier, ce jour-là la police britannique le capturait dans l’ambassade d’Equateur et l’incarcérait à la prison haute sécurité de Belmarsh, au sud-est de Londres.
Chroniqueuse : Exact. WikiLeaks reprocha à l’Equateur d’avoir « illégalement mis fin à l’asile politique d’Assange ». Après 7 ans passés dans les 20m2 de l’ambassade, Assange fut placé en cellule d’isolement à Belmarsh. 60 médecins internationaux et le rapporteur de l’ONU sur la torture s’indignèrent publiquement de ses conditions de détention.
PHARE FM : Et que fit-on côté français?
Chroniqueuse : En mai 2019, les Gilet jaunes et Juan Branco organisèrent un rassemblement devant le tribunal de Westminster pour s’opposer à l’extradition d’Assange aux Etats-Unis. Le 25 janvier 2020, une centaine de Gilets jaunes manifestèrent devant la prison Belmarsh. La veille Assange quitta son isolement pour rejoindre d’autres détenus.
PHARE FM : Que reproche-t-on à Assange?
Chroniqueuse : Sa plateforme Wikileaks a publié 10 millions de documents confidentiels concernant des organisations publiques, des entreprises, des Etats. Ils révélaient en 2007 la corruption du gouvernement kényan, en 2010 les méfaits de l’armée américaine en Irak, l’espionnage des présidents français de 2006 à 2012, les conditions de détention à Guantanamo, l’affaire des courriels d’Hillary Clinton, etc. Assange devint l’ennemi public numéro 1 des Etats-Unis.
PHARE FM : Il y est poursuivi pour 18 chefs d’accusation et encourt jusqu’à 175 ans d’emprisonnement. Quels arguments brandit sa défense?
Chroniqueuse : L’Australien Assange est accusé par exemple de complot pour piratage d’ordinateurs gouvernementaux. Mais les Etats-Unis l’accusent en premier lieu d’espionnage, ce qui est, pour Branco, un délit politique. Or l’accord d’extradition Royaume-Uni/Etats-Unis exclut tout délit politique. Car c’est bien la question de l’extradition qui va se décider à Londres.
PHARE FM : Qui soutient financièrement Assange?
Chroniqueuse : Les Etats-Unis avaient organisé un blocus bancaire américain pour geler les dons à Wikileaks. Cela a provoqué l’émergence du bitcoin. Cette cryptomonnaie, modeste au départ, a flambé. Aujourd’hui elle constitue les réserves de Wikileaks.
PHARE FM : Dans les documents révélés par Wikileaks, y-a-t-il eu des faux?
Chroniqueuse : Jusqu’à ce jour aucune dénonciation en ce sens. Dans des événements comme la chute de l’ancien régime kényan, le printemps arabe, ou la disgrâce d’Hillary Clinton, les révélations Wikileaks ont joué un rôle. Branco considère Assange comme «un espion au service du peuple». Wikileaks dévoile les rouages de la corruption et les abus d’une élite institutionnalisée.
PHARE FM : Toute vérité est donc bonne à dévoiler?
Chroniqueuse : Pour Branco «quel que soit son coût à court terme». Il parle d’absolutisme de la vérité, de démocratie directe. A long terme, la société s’assainira d’elle-même grâce à l’info brute.
PHARE FM : Le combat du lanceur d’alerte serait donc celui du bien?
Chroniqueuse : Branco pense qu’Assange crée «des brèches de lumière», révélant «le mal politique». Dans une interview radiophonique, l’avocat en fait une sorte de wiki-messie, avec le sens du sacrifice et la volonté de sauver ses semblables.