Grain de Sel ou Grain de Poivre ? du 16 mars 2020 – Philippe Malidor – Carpe Diem version biblique
Carpe diem, version biblique
Depuis quelques années, on ne peut plus faire de projets, même modestes, sans « réserver ». Un train, un avion, un concert, etc. Nous réservons l’avenir, mais que nous réserve l’avenir ? Petite méditation suscitée par la grippe chinoise…
_______________________
PHARE FM : Philippe, l’affaire du coronavirus vous donne à réfléchir, comme à pas mal de gens. Où vous mène votre méditation personnelle ?…
Chroniqueur : D’abord, je déteste réserver. Peut-être parce que j’habite un département rural où on peut improviser pas mal de choses… parce qu’on n’a pas grand-chose ! Il y a aussi que je roule dans de vieilles voitures qui ont entre 20 et 25 ans, quand ce n’est pas 30 ; donc, j’ai toujours envisagé qu’une panne puisse bousculer mes projets, ce qui s’est très rarement produit mais que je n’exclus jamais (d’ailleurs, les voitures neuves tombent aussi en panne). Aujourd’hui, l’imprévu est chassé de nos existences : tout doit être bloqué, verrouillé, et se passer exactement comme prévu.
PHARE FM : Et vous, ça vous gêne ?
Chroniqueur : Oui, car de plus en plus, il devient difficilement possible de concevoir un projet un peu important sans réserver au moins six mois à l’avance, voire pire (« Save the date », comme le dit une expression haïssable alors qu’on pourrait aussi bien dire « Note la date »). Même un simple terrain de camping ! Il y a toujours plus de prestations, de contraintes légales, sanitaires, etc., mais du coup, il faut que tout soit planifié. Quelle poésie !
PHARE FM : Si je vous comprends bien, le Covid-19, ça, c’est de l’imprévu ?
Chroniqueur : Eh oui ! Pourtant, nous savions que notre monde était de plus en plus perturbé, sur le plan climatique, religieux, politique, etc., mais tout continuait comme avant. Ce qui est amusant, c’est que ce que trente ans de colloques internationaux n’avaient pas réussi à obtenir, une épidémie de grippe l’a accompli en quelques semaines. Les Chinois ont arrêté de polluer leur air et notre air ; beaucoup d’avions restent dans les aéroports ; les bourses, qui sont truffées d’experts, s’affolent ; des concerts et des voyages sont annulés. Bref, un épisode sanitaire provoquant une panique politique nous a forcés à tenir les grandes résolutions qui n’existaient que sur papier. Les cartes vont être rebattues et, après la pandémie, on ne recommencera pas tout à fait comme avant.
PHARE FM : On retrouve finalement une sagesse très ancienne.
Chroniqueur : Oui, et il y a un texte de la Bible qui m’a toujours interpellé et qui prend aujourd’hui un relief inhabituel :
PHARE FM : Et maintenant, écoutez-moi, vous qui dites : « Aujourd’hui ou demain, nous irons dans telle ville, nous y passerons une année, nous y ferons des affaires et nous gagnerons de l’argent. » Savez-vous ce que demain vous réserve ? Qu’est-ce que votre vie ? Une brume légère, visible quelques instants et qui se dissipe bien vite. Voici ce que vous devriez dire : « Si le Seigneur le veut, nous vivrons et nous ferons ceci ou cela ! » Mais en réalité, vous mettez votre orgueil dans vos projets présomptueux. » (Lettre de Jacques 4.13-16)
PHARE FM : Alors, il faut arrêter de faire des projets ?
Chroniqueur : Non, car ce texte ne condamne pas les projets, mais la mentalité qui y préside, et qui nous laisse croire que ce que nous décidons pour l’avenir se fera nécessairement. Or, nous ne savons jamais si nous serons vivants, même demain. Notre vie est une brume, une vapeur, alors que nous pensons que nous sommes nés avec une garantie pièces et main d’œuvre de 80 ans minimum. C’est un orgueil insensé ! Il y a toujours eu des imprévus dans la vie. Le seul problème, c’est que notre orgueil nous masquait ce qui a toujours été une réalité. Le Covid-19 vient nous rappeler que demain ne nous appartient pas.