Jean-Marc Bellefleur – Eglises citoyennes!
Notre chroniqueur Grain de sel/poivre du jour est Jean-Marc Bellefleur.
PFM : Bonjour Jean-Marc!
JM Bellefleur : Bonjour Lisa, bonjour Thomas ! En ce moment, c’est le monde à l’envers. Moi qui suis pasteur, je demande aux gens de ne pas venir à l’église.
PFM : Oui bien sûr, vous mettez en œuvre les consignes sanitaires.
JM Bellefleur : Ces consignes sont d’ailleurs les mêmes pour la France, la Belgique et la Suisse : les offices religieux, comme toute réunion publique, sont interdits. Et vous aurez compris que c’est la seule raison pour laquelle je demande aux gens de ne pas venir à l’église !
PFM : Mais tout le monde n’a pas cette attitude, Jean-Marc. Certains mouvements catholiques font des prières dans la rue devant les églises, pour protester contre cette interdiction.
JM Bellefleur : J’aimerais parler de cela. Venir à l’église a pour ces mouvements traditionalistes un sens fort : selon eux la messe à l’église, et surtout l’eucharistie, est indispensable à la vie spirituelle, et n’est pas remplaçable. Je suppose qu’il y a aussi une certaine revendication identitaire dans ces manifestations de rue.
PFM : Mais ces manifestations dans la rue sont interdites elles aussi, non ?
JM Bellefleur : Eh oui elles le sont. Ces personnes prennent une position de protestation, comme d’autres. Je pourrais risquer un parallèle un peu cavalier avec ces fêtards dont j’ai entendu parler, qui ont contrevenu à l’interdiction de réunion et qui se sont fait surprendre. Mais je conviens avec vous qu’ils bravaient l’interdit pour de tout autres raisons !
PFM : Comment réagissez-vous devant ces manifestations ? Peut-on les qualifier de désobéissances civiles ?
JM Bellefleur : Vous parlez des prières dans la rue je suppose, pas des fêtes secrètes. La désobéissance civile voudrait dire que l’on proteste, pour des raisons éthiques, morales, citoyennes, contre une action de l’État que l’on juge inique. Or dans notre cas, l’interdiction ne vaut pas que pour les lieux de culte, mais pour toutes sortes de réunions publiques. Elle ne contrevient à aucun principe de laïcité ou de citoyenneté, elle ne manque de respect à personne. Je ne crois donc pas qu’elle doive donner lieu à une désobéissance civile.
PFM : Oui car au départ il ne s’agit bien que de consignes sanitaires.
JM Bellefleur : C’est ça, oui. Ceci dit, je comprends quand même ces personnes qui prient dans la rue. Moi aussi, comme à de nombreux croyants, et de toutes les religions, les cultes me manquent. Et j’entends beaucoup de gens qui expriment leur frustration à ne pas pouvoir aller à un office religieux vibrant d’émotion, d’entonner un chant avec les autres, de les entendre prier, et de discuter un peu avec eux à la sortie.
Et plus généralement on est aussi frustré de ne pas pouvoir aller à un concert plein de joie, dans un restaurant grouillant de monde, dans une salle de sport à l’ambiance surchauffée, et j’en passe.
Alors je voudrais dire une chose. Quand on pourra de nouveau faire tout ceci, vivons-le avec plaisir, dans une joie partagée ! Peut-être qu’on ne se rendait pas compte, avant, de la valeur de la vie sociale en générale, de notre liberté d’aller et de venir. Et pour la vie spirituelle ou religieuse, redécouvrons le plaisir d’aller à un office ! Pour mieux apprécier la liberté de demain, il faudra se souvenir des restrictions sanitaires d’aujourd’hui !
PFM : Alors quel est le rôle des Églises à votre avis ?
JM Bellefleur : C’est le rôle de toutes les instances composant notre société : donner l’exemple, un exemple de conscience civique en faisant preuve de bonne volonté face aux consignes sanitaires. Le personnel de santé, fortement représenté dans nos Églises, ne comprendrait pas les choses autrement.
En temps habituel, nous tenons nos offices et ouvrons nos églises plutôt deux fois qu’une, car c’est important pour un nombre non négligeable de personnes. Mais en ce moment, nous devons trouver d’autres modes de vie. Et c’est tout à fait possible, grâce aux moyens techniques actuels. Message d’espoir !