Grain de Sel ou Grain de Poivre ? du 26 juin 2020 – Michael Mutzner – Qui sont nos Samaritains ?
PHARE FM : Depuis la mort tragique de George Floyd aux Etats-Unis, les rassemblements pour dénoncer le racisme se sont multipliés à travers le monde, y compris en France et en Suisse. Comment expliquer que ce drame qui s’est déroulé à Minnesota ait eu un tel retentissement international?
Michael : C’est vrai qu’on peut se poser la question, Nathanaël, car malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’un tel drame survient aux Etats-Unis et qu’il est capté par les caméras. Mais le cas particulièrement triste de cet homme qui meurt étouffé sous le genou d’un policier alors qu’il implore qu’on le laisse respirer, est devenu le symbole d’une injustice systémique, non seulement en Amérique, mais aussi à travers le monde.
PHARE FM : Un problème “systémique” vous dites?
Michael : Oui, si vous regardez, presque partout dans le monde, on retrouve un écart entre des groupes sociaux ou ethniques favorisés et des groupes en difficulté, des groupes qui se sentent étouffés, qui n’arrivent plus à respirer, pour reprendre les mots de George Floyd. Il n’y a pas une vraie égalité des chances ni une vraie égalité de traitement. Regardons par ex. les chiffres de la population carcérale. Les communautés discriminées sont très souvent systématiquement surreprésentées. Par ex. les hors-castes en Inde, les autochtones au Canada, les Noirs aux USA, les Kanaks en Nouvelle-Calédonie. En Australie, les aborigènes constituent 5% de la population. Pourtant, ils représentent 60% des adolescents en prison. Ces chiffres révèlent qu’il existe un problème au niveau des systèmes sociétaux qui génèrent l’exclusion et la marginalisation de certains groupes, en fonction de leur origine. Ce sont les mêmes communautés qui ont le plus souffert du COVID-19, des conséquences des mesures de confinement et de la crise économique. Cela explique cette réaction forte et globalisée. La mort de George Floyd a donné un visage et une visibilité à ce fléau mondial.
PHARE FM : D’un point de vue chrétien, soutenez-vous ces réactions internationales?
Michael : Je crois que nous devrions être en première ligne des manifestations pacifiques contre les injustices et la discrimination raciale. L’enseignement biblique est très clair à ce sujet. C’est le mal qui vient briser la relation harmonieuse entre les communautés humaines. La Bible invite donc chaque individu et chaque communauté à se remettre en question et rechercher le meilleur pour son groupe “ennemi”. Je vous donne deux exemples. Dans l’Ancient Testament, le prophète Jonas, un nationaliste, est envoyé vers la communauté ennemie d’Israël à Ninive. L’histoire biblique retrace son combat intérieur face à la haine qu’il a pour ce peuple, tandis que Dieu désire se servir de lui pour les bénir et les sauver. Plus tard, on retrouve dans le Nouveau Testament la même dynamique avec la Samarie, les frères ennemis des Israélites. Or Jésus agit complètement à l’opposé du mépris que les Juifs avaient pour les Samaritains, il va intentionnellement vers cette communauté et ordonne explicitement à l’Eglise de faire de même.
PHARE FM : Alors qui sont nos Samaritains aujourd’hui?
Michael : Je crois que chacun est invité à examiner qui sont ses “frères ennemis” dans son contexte local ou national et de développer un amour particulier pour eux. Les chrétiens sont spécialement appelés à montrer l’exemple eux-mêmes, à s’opposer aux injustices et à proposer des solutions. Là où cela se vit, c’est un message très fort, un signe prophétique.
PHARE FM : C’est à dire?
Michael : C’est une manière de s’opposer à l’injustice systémique et de démontrer que nous croyons qu’au-delà de notre appartenance à une communauté, une nation, une religion, tous les descendants d’Adam et d’Eve sont frères et soeurs en humanité, créés à l’image de Dieu et digne d’être respectés et défendus.